MANUEL BARRIOS

Peintre des tumultes intérieurs

     Dans la cité mosane de Huy, Manuel Barrios fait peu à peu partie de ce merveilleux décor de rochers et de fleuve tranquilles. Le froid excepté, il s’y trouve bien comme sur sa terre des Garifunas, son Honduras natal, sentant la proximité de la forêt.

     Il est peintre et sa peinture est une partie de l’iceberg, celle qui voit le jour mais qui ne serait pas sans ses racines profondes. Il fut révolté, révolutionnaire, prisonnier, torturé, philosophe et moine aussi, recherchant dans le divin l’apaisement de ses tumultes intérieurs.

     Manuel Barrios a reçu le Signe pour se battre dans une autre jungle, celle de l’indicible à fleur de toile. Il capte, éternise l’instant de grâce en compensation d’un vécu agité et à tout le moins traumatisant. Et, de fait, s’il n’est pas de mots pour le dire, il n’est pas de figure pour le représenter. Nous partons de l’abstrait, de l’invisible passant au visible.

     Comme le poète chante quand il ne peut plus s’exprimer tant il s’enfonce dans un univers dont il est le premier explorateur, Manuel Barrios peint d’énigmatiques surfaces, sortes de puzzles faisant appel à notre vigilance; nous croyons découvrir un visage mais il y a plus, une signifiance d’un autre monde. Des interrogations s’orchestrent en symphonies de vibrations débouchant sur des couleurs qui enchantent sans autres explications : nulle maison, nul nuage mais des percées de lumière sur des ténèbres vertes. Vertes forêts tropicales, jaune soleil dentelé d’une voûte feuillue.

     Il est vain de tenter de traduire ce qui confère le ton juste aux œuvres de Manuel Barrios ; peut-être un équilibre acquis à la force des poignets ou plutôt concluant un parcours d’épreuves dont on ne sort pas indemne. Il naît de la beauté au départ de sa nuit, l’art étant planche de salut pour certaines natures qui portent à bout de bras leur conception singulière de la vie.

     Si, au plus loin de sa période guerrière, l’on avait dit à Manuel Barrios qu’un jour il couvrirait des rectangles de verdoiements aux retranchements tactiques, il en aurait été le premier étonné, à moins qu’il ait déjà conçu en lui un désir de paix et de fusion avec la Création, entrant en résonance avec quelque chose qui préexistait en lui.

     Homme au sang chaud des Antilles, il lui faut le rayonnement d’un groupe choisi pour se ressourcer avant de réintégrer sa cellule d’artiste, car l’art est ascèse, constante prière, affirmation et hésitation, il plaide pour tout et son contraire. On agite son pinceau comme on gratte à la porte sans la certitude qu’elle s’ouvrira. Il est illusoire de décider à l’avance d’un chef-d'œuvre, d’autant que celui-ci, par on ne sait quel mystère, contient en lui le pouvoir de décision, comme une pente provoquant un dérapage qui infléchit une direction imprévue.

     Manuel Barrios est ce qu’il est malgré lui, puisant dans son inconscient l’au-delà de soi. Il s’est fait peintre insensiblement, poussé par l’audacieux espoir de se définir et d’occuper une case encore vide.

     Manuel Barrios nous invite dans son univers non loti, révélé sur ses toiles par précipité chimique ou alchimique, bouillonnement intérieur, frémissement d’une réalité transcendée sur le mur platonicien. Son rapport au réel ne peut s’établir sans médiation lyrique perdurant plus que la matérialité des faits puisqu’il s’éternise dans ses œuvres.

     Manuel Barrios est perceptible moins par ce qu’il dit que par ses peintures tenant à la fois de sa latinité comme d’appels précolombiens: divinisation de la nature où grouillent les esprits polymorphes et inquiétants malgré la lumière dorée d’un christianisme intensément vécu.

     Patchwork de toutes les invasions, de tous les rassemblements sans la contrainte de la forme stricte ni de la couleur plausible, ordre et désordre où tout finit par se mettre en place, ainsi que le préconiserait Prigogine. Il y a du bonheur dans tout et la fleur pousse sur le purin.

     Point de règle, point de préjugé, mais Manuel Barrios tel qu’en lui-même, qu’il soit ou non dans le droit fil de sacro-saints courants des Beaux-arts. Il suit sa pente à lui, son sillon préalablement creusé par la destinée, panacée contre les aspérités de l’existence, quête de l’âme, et son corollaire concret d’interpeller un public souvent en retard d’un demi-siècle.

     L’art mercantile n’est que caricature, il y a toujours chez l’artiste véritable un côté généreux, un don de soi, et pour que le peintre ne se mure dans son atelier, il nous appartient de le signaler non seulement pour sa renommée mais encore pour enrichir notre patrimoine culturel.

     Puisse la démarche artistique de Manuel Barrios, représenter plus qu’une simple étape dans son ascension!

 

Rodolphe Van Loo

(Artiste peintre, romancier, critique d’art)


 « Dans le foisonnement de couleurs et de formes éclatées et circulaires de la peinture de Manuel Barrios, on retrouve une personnalité fascinée par le mysticisme où les paradoxes et les contradictions explosent en tourbillons colorés. L’harmonie est sans cesse recherchée et perdue dans une sorte de tension à la fois spirituelle et profondément sensuelle. Sérénité, angoisse, tolérance, exigence, acceptation et révolte silencieuse se mélangent chez ce peintre illuminé et insaisissable, toujours au bord d’un départ, mais dont la présence, si courte soit-elle, a toujours un goût d’éternité ».

                                                                          Michel Ledant


Depuis 2009, l’artiste anime des ateliers d’art thérapie car : « L’art nous donne la possibilité d’aller vers nous-même et dans ce voyage on raconte ce qu’on est vraiment. C’est une rencontre avec la réalité de l’être intérieur, avec sa beauté, sa laideur, ses peurs, ses angoisses mais aussi ses espoirs. »

                                                                 Journal Passe-partout 10/02/10


« L’artiste avoue l’influence qu’il exerce sur sa création, la musique cubaine en particulier, des Maîtres Miguel Anga Diaz et Omar Sosa. Rien de surprenant donc à ce que ce soit une peinture qui tourbillonne et dance, en ces habits de fête que sont les couleurs vives des pays tropicaux, s’exacerbant l’une l’autre pour aviver leur éclat. Mais ce mouvement dansant, c’est aussi celui de la flamme. De la luxuriance de ces jardins violemment colorés se dégage parfois une image d’oiseau, ou de visages humains, au regard intérieur. Nous découvrons alors que la fête n’est qu’une introduction à une réflexion, voire une méditation. A explorer attentivement ces panneaux radieux, on s’aperçoit que ses torrents de lumière ne sont pas seulement physiques. C’est le paradoxe de ces symphonies colorées, ou de cette musique en couleurs, toute endiablée et rythmée qu’elle soit, de tendre vers le silence de la contemplation. »

                                                                      Journal vers l'avenir 14/12/ 2004


« Gracias a su colaboracion, la exhibicion de arte resulto todo un éxito, misma que fue inaugurada por el Presidente de la Republica, Licenciado Ricardo Maduro y por el secretario General de la OEA, Don Cesar Gaviria, quienes expresaron su satisfaccion y reconocieron publicamente los esfuerzos realizados para dar a conocer a la comunidad internacional las riquezas culturales con que cuenta Honduras. Estamos seguros que este sera un paso importante de la trayectoria que nos permitira promover su arte en este pais, que por medio de los esfuerzos de la Embajada y su aporte logremos acceder a un mercado que valora la calidad de sus obras elaboradas con tanto talento y belleza. »

 

Mario Canahuati Ambasador

Embassy of Honduras Washington, DC


MANUEL BARRIOS  et ses enchantements

Hondurien, l’artiste Manuel Barrios cible la nature au travers de l’arborescence caribéenne, jonchée de fleurs. S’agit-il de Balisier, de roses de porcelaine ou de taches sur palette afro-occidentale ? Blocs et rocs, branches lourdes de chromatismes  sont à capturer, saisir et, comparer. Ne réfutant ni ne rejetant, le peintre saturé revendique une autre création, celle de son cru.

Des servitudes à la jouissance interdite, découvrir le sourire végétal comblé de soleil. Après des siècles confisqués, trouver le droit de se refaire pour exister. Se réfugier dans le quadrilatère pictural de celui de nulle part pour l’efflorescence de partout, témoin d’échos ancestraux.

L’être créé et créant à son tour, en rajoute à l’univers, déversant le contenu d’une âme faite d’obscurité comme d’allégresse.

Telle est l’énigme mouvante du peintre Manuel Barrios qu’il faut scruter, analyser,  apprécier au creux d’un art enfoui comme un trésor précolombien.

 

Rodolphe Van Loo 

(Artiste peintre, romancier, critique d’art)